amateur d’art
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lunettes rouges
09 novembre 2007
livres brûlés
dans cette exposition un peu fourre-tout, qui présente quelques choix parcellaires de photos et vidéos canadiennes au centre culturel canadien, jusqu’au 17 novembre, le travail le plus remarquable est aussi un travail étrangement intime. l’appartement montréalais de la photographe angela grauerholz a brûlé, et toute sa bibliothèque a été détruite. on l’imagine atterrée, désespérément triste, fouillant dans les décombres, désemparée devant le désastre; j’ai moi aussi perdu, il y a plus de vingt ans, toute ma bibliothèque d’alors, et c’est comme une vie qui s’effondre, un passé qui s’affaisse. elle, prenant les vestiges calcinés dans ses mains, s’est mise à les nettoyer, à souffler sur les cendres, à transporter les cadavres de livres dans son studio, et à les photographier. elle a nommé ce corpus de photos privation; on ne saurait mieux dire. sur certaines couvertures, on peut encore lire quelques mots, deviner le titre; beaucoup sont racornis, tordus, certains sont amputés, d’autres ont pris d’étranges couleurs, comme des carreaux de céramique, comme des objets bijoux. jules césar (à alexandrie), les papes et l’inquisition, hitler ont brûlé des bibliothèques entières; chaque livre qui brûle est une tragédie, une mort. de ce drame, angela grauerholz a su se relever, et en faire un travail très construit, structuré et à l’étrange beauté formelle. c’est un mélancolique travail sur la mémoire.
parmi les autres photos, assez inégales, de cette petite exposition, j’ai noté l’ambiance fantomatique de absinthe, de nicolas baier, le caractère inquiétant du refuge délabré, mais très “construit”, d’isabelle hayeur et le portrait ambigu d’une jeune femme tenant une plaque de verre qui la cache et la dévoile à la fois, glass 4, de pascal grandmaison.
08 novembre 2007
le théâtre du monde
ou le monde comme une scène (”the world as a stage“) vient d’ouvrir à la tate modern, et durera jusqu’au 1er janvier. par rapport à l’exposition de bernard blistène au macba (qui sera d’ici une semaine au musée berardo à lisbonne et ce jusqu’au 17 février), c’est une exposition beaucoup plus littérale, moins conceptuelle. elle montre une marionnette, une installation inspirée par quasimodo, un amphithéâtre, une boutique de coiffeur, une prise de mesure du global theatre de shakespeare, toutes choses intéressantes et respectables, mais plutôt anecdotiques, décrivant au premier degré les rapports entre art et théâtre.
seules quelques pièces, impliquant davantage le spectateur, le mettant en situation, l’amènent à se poser les questions sous-jacentes : suis-je visiteur, spectateur, acteur ? mon rapport à l’oeuvre, la manière dont je la découvre, la parcours, me l’approprie, sont-ils différents ici et dans un théâtre ?
de ce point de vue, la pièce la plus frappante est rotating labyrinth de jeppe hein. ce sont deux cercles concentriques faits de barres verticales couvertes de miroir, séparées par des vides de même largeur. de l’extérieur, on voit un reflet de la salle, des visiteurs, de soi-même; c’est une forteresse crénelée qui vous repousse et vous invite à la fois. tournant autour, on voit une ouverture, quelques barres manquantes. on s’y glisse et, pour un instant, on est entre deux mondes, entre deux parois discontinues de miroirs. le cercle intérieur tourne; là aussi, une ouverture, on s’y glisse. suis-je au centre du panoptique? je ne vois le monde extérieur, le reste de la salle que par intermittence, quand les espaces vides s’alignent; sinon, c’est mon image que je vois, répétée cent fois, décomposée, démultipliée. tout se ferme, s’obture, puis s’entrouvre à nouveau. c’est seulement alors que je réalise que le cercle extérieur tourne lui aussi, mais en sens inverse et sans doute à la même vitesse angulaire que celui de l’intérieur : c’est un mouvement d’abord imperceptible, qui génère un léger sentiment de malaise face à ce monde instable qui le révèle. je voudrais rester seul, longtemps, dans ce centre du monde, dans cete scène idéale, où je suis observé et caché, observateur et appât.
la deuxième installation qui m’a retenu, plus épurée, moins spectaculaire, est, vers la fin de l’exposition, un large et sombre couloir aux murs peints en bleu, avec une moquette de la même couleur. intrigué par cette pénombre après les salles claires du reste de l’exposition, j’avance précautionneusement et soudain, un projecteur s’allume au ras du sol. mon ombre gigantesque s’affiche sur le mur opposé et danse au fur et à mesure de mon avancée. un second projecteur s’allume alors, puis un autre et un autre. mon ombre grandit ou diminue selon mon trajet. ce n’est rien, et c’est toute une mise en scène : je prends conscience de mon corps, de ma position dans l’espace, sur cette pseudo scène, je traduis mes sensations en mouvements et mes mouvements en représentations, en ombres; c’est séance de shadow ii de dominique gonzalez-foerster (que vous avez peut-être déjà vu à paris en 1998 au mamvp).
a côté de ces deux pièces très fortes, on remarque aussi la re-création d’un affrontement entre mineurs et police dans l’angleterre thatchérienne (the battle of orgreave archive, de jeremy deller), mais on a le sentiment que l’artiste hésite entre discours politique, d’ailleurs un peu simpliste (le bien et le mal, les grévistes et les flics) et pas très intéressant en soi, et dimension conceptuelle de la re-création, que j’aurais aimée plus développée. a l’entrée, aussi, une photo de trisha donnelly montrant une femme dans la forêt : c’est une des 31 photographies de la performance du corbeau d’edgar poe par la danseuse frances flannery. chaque jour, la photo change; il faut venir 31 jours d’affilée pour voir la performance entière, qui ne saurait être qu’un souvenir évanescent, une mémoire incertaine. c’est tout simple et c’est très engageant. et, au fait, à l’entrée, soyez aimable avec le ou la préposé(e) aux billets, vous ne le regretterez pas.
dominique gonzalez-foerster copyright adagp : la photo de son installation sera retirée du blog à la fin de l’exposition.
04 novembre 2007
voler la beauté
stealing beauty, c’est le titre d’une vidéo de guy ben-ner à la galerie gimpel fils à londres, jusqu’au 17 novembre.
amir ben-ner, âgé d’une dizaine d’années, a été puni à l’école car il avait volé l’argent de poche d’un de ses camarades. ses parents nawa et guy décident de le réprimander en lui faisant la leçon, et lui enseignent que la propriété privée est le fondement de la société comme l’amour est le fondement de la famille: il ne faut pas voler. cette belle tirade (malheureusement peu audible dans cette galerie aux hauts-parleurs faiblards) est délivrée avec beaucoup de conviction et d’emphase sur-jouée dans un étrange environnement : tous les meubles ont des étiquettes bleues ou rouges, et des personnages ordinaires entrent constamment dans le champ portant de grands sacs bleus. nous sommes dans un magasin ikea (en fait dans trois magasins différents car les ben-ner, filmant clandestinement, se font prendre et doivent changer de magasin, voire de pays : israël et l’allemagne). ikea représente en public des modèles de nos espaces privés, et la famile ben-ner opère la transformation inverse, reprivatisant cet espace public de représentation du privé. ikea nous offre un modèle social, esthétique, une certaine idée non seulement de décoration, mais aussi de mode de vie, donc de beauté communément admise, et c’est cette beauté que la famille ben-ner s’approprie, vole.
le père vertueux qui tient ce discours convenu sur la propriété est donc lui aussi un voleur, un occupant, qui n’a pas de légitimité à se trouver là, à occuper ce lieu. il n’est pas impossible qu’il y ait là un discours politique de la part de cet artiste israélien vivant à new-york. en tout cas, sans même y voir une dimension politique, il y a une telle contradiction entre ce discours moral et ce vol d’espace qu’on ne peut qu’en rire (et le mauvais son est peut-être aussi délibéré, comme une dérision supplémentaire, une volonté de rendre ce discours classiquement moral inaudible, dérisoire, ridicule).
non seulement parents et enfants discutent sans fin sur les canapés, mais ils lavent la vaisselle (ou font comme si, mais le bruit de l’eau et de la balayette sont bien là), ils se plongent dans les livres en suédois (ou font comme si); lui soulève un store (sur un mur de béton), elle pianote en vain sur un faux ordinateur, il regarde un film porno sur un écran de télé en carton (mais nous avons le son). il prend une fausse douche, mais se déshabille vraiment et on entend le bruit de l’eau; sa femme rentre à la maison et l’accuse de se masturber sous la douche (”a total waste of fucking energy” dit-elle avec “double entendre”). le couple se couche (en pyjamas) dans un des lits (pour de vrai). et pendant ce temps, les clients déambulent, à peine conscients qu’il se passe quelque chose de bizarre; une seule personne est filmée remarquant la caméra. comme la scène a dû être filmée dans plusieurs magasins, il n’y a pas de continuité, les vêtements changent au milieu d’une scène, les cheveux du jeune garçon rallongent soudainement et bien sûr le décor change.
n’est-ce qu’une comédie ? est-ce une pièce à thème ? a la fin, amir et sa grande soeur elia, suspendant un drapeau marxisto-pirate (children of the world, unite) dans le magasin, tiennent un discours anarchiste très confus sur la beauté du vol, the beauty of stealing, détruisant tout le propos moralisateur du film. est-ce une vidéo sur le thème public-privé, famille-société ? est-ce une critique du conformisme, de la beauté prisonnière du banal ? parle-t-on ici d’israël et des palestiniens, du vol de la terre ? j’aime bien ces oeuvres qui, sous un aspect léger, vous posent ensuite mille questions auxquelles on ne sait répondre.
photos de l’auteur.
03 novembre 2007
poussière d’étoiles
si on ne connaît pas grand chose à l’astrophysique, mais que depuis l’enfance on rêve à tintin sur la lune, c’est une exposition à voir au mac/val, jusqu’au 13 janvier. j’aime beaucoup ce musée, sa collection permanente, ses cartels intelligents et pédagogiques, son approche de ses publics, sa facilité d’accès (intellectuel et sensible, à défaut de ratpien). peut-être parce que je suis (ou fus) économiste, j’avais peu apprécié les trois expositions thématiques sur l’économie, que j’abordais de manière trop rationnelle, trop critique, trop peu sensible. mais, comme je ne suis pas astrophysicien, j’ai goûté stardust ou la dernière frontière, qui a ouvert pour le 50ème anniversaire du lancement du premier spoutnik.
l’espace fait rêver, bien sûr et, à l’entrée, de la poussière d’étoile, vraie de vraie, nous est offerte par bruno peinado, négligemment dans une balayette, si accessible, si proche. les cosmonautes en wax de shonibare flottent devant nous, martin luther kings de l’espace. beaucoup d’artistes représentent le ciel, les planètes, les étoiles; nicolas baier, lui représente ce qu’on ne peut pas voir, l’impossible à représenter justement, le trou noir. immontrable, évidemment.
les plus belles planètes sont celles de davide bertocchi, soigneusement alignées sur vingt rangées d’un bout à l’autre de la salle; leurs couleurs vives et acides sont pleines de poésie mystérieuse. le ciel le plus inquiétant est bien sûr celui des veilles de bombardement de renaud auguste-dormeuil. le scientisme utopique s’épanouit chez jean-luc vilmouth qui veut doter mars d’une atmosphère à coups de ventilateurs. et la plus douce utopie est celle des vraies soucoupes volantes que claude closky a découvertes et photographiées dans le ciel parisien. ah oui, sur 30 artistes, trois femmes seulement: un truc de mecs ?
dans l’espace des collections, plusieurs nouveautés, dont une très belle installation interactive de la talentueuse jeune indienne shilpa gupta, assez proche de celle vue à lyon. shilpa gupta a été en résidence au mac/val cet été et a produit deux autres pièces, une inscription lumineuse elle aussi stellaire (”don’t worry, you too will be a star”) et ce trou dans le mur : la mémoire comme ouverture sur l’extérieur peut-être. il y a aussi la gégène, de malachi farrell, une installation à la fois grand-guignolesque et terrifiante sur la torture, mais qui, trop diluée, trop discursive, n’a pas la force de la machine à tuer de janet cardiff. sur cette gégène veillent les tableaux de rancillac montrant l’entrée de l’armée israélienne dans jérusalem et les obus multicolores d’etienne bossut, carpet bombing. voisinage éloquent.
photos de l’auteur.
02 novembre 2007
au grand-duché
luxembourg est capitale européenne de la culture 2007. c’est l’occasion d’aller y voir quelques expositions. après celle-ci et celle-là, quelques autres impressions.
dans un bâtiment rond où autrefois des locomotives changeaient de direction, le commissaire hou hanru présente installations et vidéos de 8 artistes, jusqu’au 2 décembre. le lien ténu est que ces 8 artistes viennent tous du tiers monde (à des degrés divers : deux chinois, un amérindien, un beur, une brésilienne, un couple de latinos, une indonésienne et, certes, un camerounais) et sont tous des migrants, des passeurs. au centre de la rotonde tourne un moulin à prière géant et menaçant de huang yong ping. a son pied, habibi flotte tristement à côté d’un amoncellement dû à pascal marthine tayou : gâteau de chaussettes, sacs en plastique, objets éphémères et une voiture bien délabrée. au bout de quelques minutes, les visiteurs se détournent de ces pièces bien prévisibles et se rassemblent tous peu à peu devant une superbe vidéo de fiona tan, the immemorials a lapse of memory, filmée au royal pavilion de brighton, une folie orientalisante d’une beauté étonnante : un homme, henry, y vit, y dort, y danse, y parle, y prie. prisonnier volontaire, il imprègne ce pavillon de ses rêves, y mélange fiction et réel, passé et présent, et nous entraîne à sa suite. pendant 27 minutes, nous nous laissons enchanter, nul ne bouge.
hou hanru a aussi disséminé dans la ville sculptures et installations (transient city); certains projets sont très axés sur l’architecture, d’autres sur la vie sociale (un bar restaurant latinisé, un marché à 1 euro), mais ces derniers semblent plaqués sur la ville, distrayants mais ne transformant rien (à la différence de celui-ci, par exemple). parmi les installations proprement dites, si on peut passer assez vite sur les terrains de boule, belvédères et autres plateformes, les éclairages sont très réussis (ci-contre grandes lignes du collectif hehe sur une passerelle de la gare). et il y a dans un bois une installation à côté de laquelle on passerait aisément, ne voyant rien : de manière aléatoire, un haut-parleur caché dans les arbres vous délivre une phrase entre oracle savant et formule de fortune cookie désabusée. la mienne était “sortez des sentiers battus, allez voir ailleurs”. merci ! c’est oracle, de justin bennett, musicien qui sait marier le son et l’espace.
ailleurs dans la ville, il faut voir le bâtiment du mudam, si beau, si froid, si vide. une vidéo y trouve sa place à merveille : le souffle du récitant comme signe, de yazid oulab (découvert récemment à toulouse), jusqu’au 26 novembre. quatre volutes de fumée d’encens s’élèvent doucement, leur ascension est parfois perturbée par un courant d’air, le souffle même d’un homme qui psalmodie la troisième sourate. habité par la mystique soufie, c’est un moment de grande beauté, propice à la méditation. je ne suis pas surpris que ça lui ait plu (ceux qui ne le connaissent pas le seront peut-être). et enfin, une facile mais intéressante exposition sur la quantité de nourriture consommée chaque semaine par des familles typiques, des etats-unis au tchad : hungry planet, de peter menzel et faith d’aluisio, jusqu’au 8 décembre.
enfin, vous saurez qu’au grand-duché, les interdits sont tautologiquement oulipiens.
photos de l’auteur, excepté fiona tan.
comme indiqué précédemment, mon voyage pour visiter cette exposition m’a été offert.
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